“Nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres
Nous l’empruntons à nos Enfants.”
Antoine de Saint-Exupery
Le LP Tristan Bernard, vivier de talents cachés ? Des collègues qui font un travail formidable, sans jamais chercher la lumière. A peine exagéré ? Allez, je vous raconte une nouvelle histoire…
Fin mai, je croise M.Querry, professeur de lettres-histoire et référent développement durable, au détour d’un couloir : ” Alors Paris avec les TGA 1, c’était bien ? Vous avez rencontré une sénatrice ? Si tu veux, tu me donnes les éléments et je peux faire un article sur le site des labos.” M.Querry, fidèle à son tempérament humble, me propose plutôt d’interviewer deux élèves. Pour les mettre en avant. Il m’envoie donc dans la semaine Victoria et Moussa …
Seulement, au cours de l’entretien, surprise. Ce n’est pas un voyage à Paris pour visiter le Sénat – ce qui était déjà un beau projet- que je découvre, mais un vrai programme de sensibilisation des élèves aux enjeux du développement durable, et un accompagnement à la citoyenneté. Faut que je creuse avant de faire cet article… Je retourne voir mes collègues enseignants.
En fait, c’est un projet de longue haleine que M.Querry et Mme Buhon, professeure de gestion-administration, ont porté cette année au Lycée Tristan Bernard avec la classe de TGA 1 (terminale gestion-administration). Ils ont souhaité sensibiliser plus particulièrement une classe à la question du développement durable afin de permettre à nos élèves d’adopter des comportements plus responsables. ” Pour qu’ils se sentent concernés, impliqués, qu’ils comprennent que c’est à eux de jouer. Ils vivent souvent dans des immeubles sans verdure, sans nature. Des déchets traînent dans la rue, et cela impacte sur le quartier comme sur la nature hors béton. C’est la grande question du XXIème siècle”, précise Mme Buhon au cours d’une conversation qui me permet d’appréhender le travail conséquent qui a été mené pendant des mois. Dans l’ombre.
Alors comment fait-on ?
On commence par nettoyer la nature pour une petite prise de conscience.C’est parti, le 19 octobre, grande collecte dans les ruelles adjacentes à l’établissement situé dans le quartier de Planoise.
Et, les premières questions :
“Est-ce que je dois ramasser ce que je n’ai pas jeté ?
Suis-je responsable des déchets des autres ?
Quand je jette, qui ramasse ? ”
On échange, on discute, et finalement tout le monde s’y met.
Mme Garnier, proviseure, n’a pas hésité à remonter les manches pour prêter main forte aux élèves et aux enseignants.Une grande surprise devant cette récolte qui durera deux heures : au total, pas loin de 30 kilos de déchets ramassés et triés !
Ensuite ? Il faut nourrir nos élèves par des rencontres avec de vrais contenus, car la question du développement durable est vaste et les entrées sont multiples. Contact est pris avec Rouge Vif Junium. Vous connaissez ? Vous devriez aller voir leur site …
https://www.rougevif-junium.fr/
Ainsi, en janvier Mme Launet, spécialiste de la communication pédagogique vers les publics scolaires et mandatée par EDF, anime pendant deux heures une conférence autour des enjeux énergétiques et du développement durable. Les élèves étaient plutôt contents de cet apport clair et accessible.
En janvier, encore, rencontre avec un écrivain. Philippe Godard vient témoigner de son engagement écologique qui remonte à l’adolescence. Il a beaucoup voyagé et ses expériences sont riches. Il évoque certaines villes – notamment au Canada- qui deviennent “résilientes”. Mais, également les tentatives malheureuses de transformation des pays en voie de développement – comme l’Inde- qui ont souhaité copier nos modes de vie et se sont retrouvés rapidement inondés de déchets.
Et en janvier, encore et toujours, cette fois, c’est l’association T.R.I qui est sollicitée. Mais les collègues ne s’arrêtent jamais ?
Ils organisent une rencontre les salariés et les bénévoles qui collectent et redonnent une deuxième vie à des objets, des vêtements usagés ou des meubles au sein de cette association.
On trie, on recycle ou on rénove, et on revend.
En plus, il y a une blanchisserie.
En fait, en plus du développement durable, la réflexion s’ouvre sur le social, notamment la thématique de la réinsertion et du lien. Vraiment, ce projet est plein de surprises !
On continue ? Le jeudi 14 mars, la Fruitière à Energie de Quingey vient rencontrer nos élèves. Cette entreprise sociale et solidaire mobilise localement des compétences humaines et financières pour assurer la transition énergétique. Elle oeuvre pour les particuliers, les entreprises ou les collectivités. Et son fonctionnement est étonnant: il sont tous actionnaires à pouvoir égal quel que soit le nombre de parts!
https://fruitiere-energies.fr/
Attendez, c’est pas fini. Mme Buhon a d’autres “ressources”… L’année dernière, elle avait fait venir Sylvie Vermeillet, sénatrice, pour parler des valeurs de la République et des collectivités territoriales. Mme Vermeillet avait précisé en partant : “Je vous attends au Sénat. Venez quand vous voulez”. Mme Buhon a bien retenu. Les élèves aussi. Et du coup, décision est prise de monter à Paris pour rencontrer des élus afin de discuter développement durable. A travers toutes ces rencontres, par toutes ces actions, les élèves ont acquis une bonne partie des connaissances nécessaires pour rentrer au coeur du débat.
Mais… il faut un financement… Un voyage de deux jours suppose un budget conséquent, même avec le soutien de la direction. Elèves et enseignants réfléchissent.
Que peut-on vendre en rapport avec notre projet ? Des chocolats bio ? Pas très original. Pourquoi pas des t-shirts ? Validé.
Surtout qu’il y a une petite pépite dans la classe. Une élève discrète qui a un coup de crayon… indéniable: Linda Saidi. C’est elle qui réalisera le dessin inscrit sur le coton…bio des t-shirts qui rencontrent un succès au-delà des attentes. Objectif initial : vendre 100 t-shirts. Objectif atteint : 166 t-shirts vendus!
Heureusement, le fournisseur Sport Diffusion, que nous vous recommandons chaleureusement, est réactif et…peu gourmand. Parce que lui aussi, il se sent concerné par cette question et heureux d’apporter sa contribution.
Vraiment, cette année, que de belles personnes rencontrées !
Et voilà, comment la classe de TGA1, accompagnée de 4 apprenties 1GAP, finit par arriver à Paris le 15 mai… avec un programme toujours très riche. Evidemment.
On commence par l’atelier des Lumières pour visionner un spectacle à la fois musical et esthétique basé sur l’œuvre de Van Gogh et sur la peinture japonaise. Impressions des élèves ? Pour Moussa” C’était beau à voir, super.” Victoria déclare dans un souffle : “Magnifique, j’étais perdue dans les vagues. ”
Ensuite, direction l’Hôtel de ville de Paris. L’expérience du métro révèle un Paris un peu “speed”. Célia Blauel, adjointe de Madame Hidalgo, reçoit les élèves et explique son rôle à la mairie. Puis, ils échangent sur les enjeux liés au dérèglement climatique de la ville la plus touristique du monde : déplacements, gestion de l’eau, prévention des risques liés aux inondations comme aux sécheresses, accès à l’énergie, à une nourriture plus locale, mixité sociale… Victoria a été très attentive et me détaille :” Vous savez madame, il y a entre 5/6 degrès d’écart entre le nord et le sud de Paris. Le béton retient la chaleur. Il y a une vraie problématique pour tenter de refroidir la ville. ” Moussa confirme et se réjouit de vivre à Besançon.
Le lendemain, on file dans le quartier de Montmartre. “Un vrai truc à voir” selon Moussa.”Des vendeurs à la sauvette se sont envolés à l’arrivée de la police, et juste à côté, il y a plein d’artistes! C’est un quartier très vivant.”
Un petit resto étoilé après toutes ces émotions ? 
Sur l’invitation de Madame Vermeillet, les élèves déjeunent dans le 6ème arrondissement chez “Les éditeurs”.
Mme Buhon a bien apprécié l’adresse, et le menu a marqué les esprits. Victoria décline :
“Gaspacho, Poulet et ses petits légumes cuits à point, Tartelette aux fraises avec son coulis de pistache.”
Dignement restauré, le groupe peut partir à la découverte du Sénat.
Sur place, visite de plusieurs salles de cet impressionnant lieu de pouvoir.
Une rencontre avec Joël Labbé permet aux élèves et aux apprenties de découvrir le travail de cet élu breton passionné d’écologie, dont le combat est de protéger les français contre les risques de l’industrie agro-chimique.
Après avoir assisté à une partie des questions au gouvernement, le groupe a été reçu par le président de la commission des finances. Son travail et le rôle de sa commission à l’intérieur du sénat et de l’Etat ont pu être compris par les élèves.
Des élus, des lieux de pouvoir, des questions politiques essentielles pour dessiner un futur durable, et des souvenirs…
“Paris, c’est beau et sale. Les odeurs sont impressionnantes. ” Et justement, votre plus beau souvenir de ce séjour ? ” Quand nous étions tous ensemble sur les marches du Sénat. ”
L’entretien se termine mais Moussa et Victoria n’ont pas encore tout dit.
“On trouve que Besançon est une belle ville, et elle doit le rester. Cette année, grâce aux profs, on a vraiment été sensibilisé au développement durable, on a beaucoup appris, et découvert la capitale. On voudrait leur dire merci pour tout cela.” C’est fait.
Alors, elle vous plaît mon histoire ? Quand je vous dis que mes collègues sont formidables et qu’ils méritent la lumière.. Ils la trouvent dans les yeux de leurs élèves et puisent l’énergie dans leurs valeurs. Et, en même temps, ils donnent confiance. Parce que l’Education Nationale regorge de talents cachés, chez les élèves comme les professeurs…
Enfin, pour conclure… Il paraît que l’année prochaine, M.Querry a prévu d’attaquer le béton de la cour de Tristan Bernard pour planter des fleurs… Mme Buhon, qui sera professeure principale de la seconde gestion-administration, réfléchit à la possibilité d’un projet de classe… écolo ?
Je ne vais pas pouvoir conclure en fait . Mais, il mange quoi mes collègues ? Il faut absolument que j’en discute avec eux. Je vous raconterai tout !